Madame est bonne ! séduit sur Internet
À chacun sa toile
À défaut de pouvoir s’en faire une, de nombreux cinéphiles se sont rabattus sur la toile depuis le début de la pandémie de Covid-19. L’occasion pour certains de découvrir des films atypiques, ou des formats moins représentés en salles, tel que le court-métrage. Achevé en 2016, Madame est bonne ! en fait partie.
Deux ans jour-pour-jour après son succès au Max Linder Panorama, le film de Vincent Vitte était publié sur Internet. Une sortie relativement discrète à l’époque, selon Kevin Desmidts : « Il s’agissait surtout de refermer une page, pour en ouvrir une autre avec Les Bijoux de famille. Le cycle des festivals était achevé, le film avait trouvé son public en salles, il était important pour nous que celui-ci soit désormais accessible à qui voudrait le voir ». C’est en avril 2020, pendant le premier confinement, que les choses ont commencé à bouger. « On a vu le trafic sur le site du film augmenter de façon exponentielle, et le nombre de lectures s’accroître proportionnellement. Au départ, on a eu de la peine à y croire. », explique le jeune producteur aujourd’hui âgé de 28 ans.
Depuis, le film a réuni plus de 20 000 spectateurs en ligne. Une bonne surprise pour tout le monde, et notamment Vincent Vitte, scénariste et réalisateur : « Le film n’étant pas sur les plateformes de VOD ou des réseaux comme YouTube, il faut vraiment le chercher pour tomber dessus. C’est donc d’autant plus étonnant de voir autant de monde s’y intéresser d’un coup, plusieurs années après. Cela fait chaud au cœur. »
Pour regarder le film, cliquez ici.
Un projet historique
Que le public ait utilisé Internet pour satisfaire ses envies de cinéma, soit. Mais l’offre y étant extrêmement vaste, comment expliquer cet engouement autour de Madame est bonne ! trois ans après sa sortie ?
Lorsqu’ils produisent et réalisent leur court-métrage, Kevin Desmidts et Vincent Vitte ont à peine 20 ans et débutent dans le cinéma. Ils jettent leur dévolu sur Morteau, petite ville rurale, où ils ont grandi tous les deux. Un choix inattendu, qui leur porte chance : massivement soutenus par la population locale, les jeunes cinéastes voient leur projet décoller et devenir, en 2015, le court-métrage le plus soutenu de France via un financement participatif.
Ce record, ainsi qu’une impressionnante chaîne de solidarité grâce à laquelle le tournage a pris des proportions inhabituelles pour un court-métrage amateur, a contribué à attirer du monde en salles, d’abord à Morteau puis à Paris, où ils font la connaissance de Line Renaud.
Un parcours atypique, du plancher des vaches aux planches du Max Linder Panorama, qui a fait de Madame est bonne ! un film témoin d’un mode de production 2.0. Aujourd’hui encore, la plateforme de financement participatif TousCoprod le met en avant sur sa page d’accueil, parmi les projets historiques. « On a constaté que le film était régulièrement cité sur Internet et notamment sur les réseaux sociaux, par exemple dans des publications type Le saviez-vous ? ou des sondages de festivals. C’est sans doute l’une des clés du mystère ».
À Morteau, un film qui fait des émules
Le week-end dernier, les habitants de Morteau étaient de nouveau réunis au cinéma pour la première de Génération Z, un film d’une heure réalisé par Théo Mairot et Clément Didier, deux autres jeunes réalisateurs originaires du Haut-Doubs.
Cette fois, pas de financement participatif, mais un soutien local toujours intact. « Je suis heureux de voir que les commerçants et artisans ont gardé un bon souvenir de Madame est bonne !, et renouvelé l’expérience avec d’autres jeunes. C’est une fierté de savoir que l’on a pu, à notre manière, les aider à accomplir leur rêve », se réjouit Kevin Desmidts, présent dans la salle.
Quelques années plus tôt, Théo et Clément, alors âgés de 15 ans, avaient suivi de près l’aventure de Madame est bonne !. « On était déjà passionnés de cinéma, et c’est en voyant ce qu’ils ont réussi à faire en partant de rien qu’on s’est dit : un jour, on fera la même chose ». Pari tenu : le 17 octobre, leur public était, lui aussi, au rendez-vous.
Un long métrage toujours en vue
Pour Kevin et Vincent, l’aventure continue.
Pour autant, la crise sanitaire complique les choses. Leur projet de long-métrage Les Bijoux de famille, impulsé par Line Renaud, est en suspens. « On aurait dû démarcher des sociétés de production alors même que les cinémas étaient fermés, sans aucune vision sur les conséquences que cela allait avoir sur les budgets alloués à de nouveaux projets. Pour passer le cap du premier long-métrage professionnel, c’était la pire configuration possible ». Un retard qui entraîne d’autres problématiques : « Line Renaud a désormais 93 ans, et le rôle qui était censé être le sien est particulièrement lourd en termes de tournage. Il nous faudra probablement nous résoudre à monter ce projet avec une autre comédienne, même si Line reste profondément dans nos cœurs pour tout le soutien qu’elle nous a apporté ».
Point de fatalité cependant. « Le confinement a été l’occasion pour nous de prendre du recul, et de reprendre un projet qui nous tenait particulièrement à cœur, sur lequel nous avions déjà commencé à travailler avant même Madame est bonne !. Un travail qui s’inscrit sur le temps long, mais pour lequel nous avons beaucoup d’enthousiasme ».
Gageons que le public accueillera ce futur projet avec autant de ferveur que les précédents.